La terre est bleue comme une orange, écrivait Eluard. C’est le pouvoir du langage poétique que de proposer en une formule un condensé d’images. Le jardin planétaire, imaginé par le jardinier-paysagiste Gilles Clément emprunte à ce registre. Le jardin, haut lieu d’humanité, fait avec la nature. Le jardin, étendu à l’échelle planétaire, nous questionne du local au global.
« Mais où est le jardinier ? Est-ce qu’il dort ? », demandait une chanson il y a quelques années. Elle questionnait à sa manière l’état de la planète, pointant une étonnante absence pour affronter les dérégulations environnementales. La prise de conscience a fait du chemin et souvent plus rapidement que la mise en œuvre de mesures suffisantes. L’écologie n’est plus une opinion mais une nécessité commune à l’espèce humaine si elle est comprise comme la relation de l’homme à son environnement, si elle permet aux hommes de mesurer leur responsabilité particulière pour ne pas mettre plus longtemps en cause leur milieu de vie.
MAIS QUE DIT LE JARDINIER ?
Par ses créations et ses réflexions, Gilles Clément, paysagiste-jardinier, est l’un de ceux qui a vulgarisé l’idée du Jardin planétaire. Au-delà de la métaphore poétique vitale pour ré-enchanter le monde, il nous donne à comprendre l’écosystème planétaire. « Si le monde fonctionne comme un tout vivant et fini, limité par les frontières de la biosphère, alors il se trouve exactement dans la condition du jardin : un lieu fermé, autonome et fragile, dans lequel chaque élément interfère sur l’ensemble et l’ensemble agit sur chacun des êtres. » Les jardins de Gilles Clément intègrent ces interférences dans un jardin en mouvement. Les graines sont disséminées par le vent, les animaux, les hommes… Le jardinier doit se servir de ce mouvement comme d’une force et « faire le plus possible avec, le moins possible contre ». Ses créations, comme le parc Henri-Matisse à Lille ou les jardins du Rayol sur les bords de la Méditerranée font une place aux « mauvaises herbes ». Gilles Clément réfléchit la place de la friche, du territoire délaissé comme un réservoir de possibles pour la diversité. Ainsi la friche, le tiers paysage comme il la nomme, entre en dynamique avec les espaces soumis à la main de l’homme, dans un équilibre changeant mais limité aux capacités du jardin planétaire. « La pérennité du tiers-paysage est liée au nombre humain et surtout aux pratiques mises en œuvre par ce nombre. » Cette approche de l’écosystème par le jardin confère à l’homme une place et un rôle particulier. Il n’est pas question d’une écologie centrée sur la préservation de l’environnement contre les hommes, une écologie, caprice d’occidentaux plus soucieux des « petits oiseaux » que de la condition humaine. Qu’y a-t-il de plus humain que le jardin ? « La nature invente, certes, mais elle n’invente pas isolément. L’homme en fait partie. Et l’homme dans son immense propension au rêve est le meilleur magicien de la Terre. Il accélère les processus de transformation et parfois il en crée de nouveaux. Accepte-t-il aussi d’en être le jardinier, c’est-à-dire le gardien ? »
LE PRINTEMPS DES JARDINS COLLECTIFS
Depuis une vingtaine d’années, les jardins collectifs connaissent un regain de faveur. L’acuité des préoccupations environnementales n’est pas étrangère à ce renouveau. Tout particulièrement lorsque celles-ci rejaillissent dans notre assiette : les fruits et légumes insipides et chers, le doute quant aux qualités nutritionnelles et sanitaires des produits achetés. Mais les jardins collectifs témoignent aussi d’une tentative de réappropriation du social. Raccourcir les distances du champ à l’assiette tout autant que les processus de décision. Le jardin, dans sa pratique collective, est l’occasion de faire avec les autres et de sortir pour se rencontrer, au pied de son immeuble, à la maison de quartier, au plus près de chez soi mais dans une compréhension globale de son environnement. Héritiers des jardins ouvriers du XIXe siècle, les jardins collectifs se développent sous de nombreuses formes. En parcelles individuelles au sein de jardins familiaux ou de manière plus collective au sein de jardins partagés mais aussi sous la forme de jardins d’insertion, tels les jardins du cœur ou les jardins de cocagne, ou encore à volonté plus pédagogique dans les écoles ou les centres de loisirs. Territoire de réappropriation, il y pousse autant de cultures potagères que de lien social. C’est pourquoi le jardin intéresse les animateurs, jardiniers du vivre-ensemble.