Les interactions permanentes entre le local et l’international, les migrations et les échanges choisis ou subis mettent, aujourd’hui plus que jamais, les cultures et les identités en repli ou en ouverture. Les inégalités sociales, les processus d’ethnicisation, les postures de domination démontrent aujourd’hui que l’interculturel, quand il est appréhendé sous le seul angle du rapport à la différence, n’est plus de mise. « Il est difficile d’avoir une interculturalité sans justice sociale. Il est difficile de parler de politique interculturelle dans une société où se côtoient la richesse et la pauvreté, où se confrontent l’abondance et la misère », soulignait Pedro A. Cantero il y a quelques années.
L’interculturel n’est donc surtout pas une affaire de bonne volonté mais, avant tout, un projet politique et social, pour tendre vers une autre conception du monde. Militant.e.s de l’Éducation nouvelle, la culture que nous avons envie de promouvoir est celle qui permet l’émancipation des personnes et des groupes. Une culture qui se construit parle dialogue, l’amélioration des connaissances, fondée sur la raison critique. Une culture qui ne nous aliénera pas mais qui soutient et est soutenue par une éducation à la paix permettant à chacune et à chacun de faire référence à ses traditions et ses formes de cultures sans dénier ni renier celle des autres.
Il faut donc apprendre à aller au-delà des apparences pour découvrir et prendre conscience de ce qui n’est pas visible, des fonctionnements sociaux différents, apprendre à voir, à décrypter et à décoder le monde dans lequel nous vivons. La présence historique des Ceméa des Outremers au sein de notre mouvement, a construit peu à peu, pour l’ensemble des militantes et des militants, cette conception de l’interculturel comme une démarche permettant l’apprentissage de l’altérité dans une visée politique du « vivre ensemble ». Loin de se limiter à une approche techniciste, nous traduisons ainsi en acte l’ambition politique que nous portons depuis plus de quatre-vingts ans. Celle de construire une éducation capable de produire des situations dans lesquelles chacune et chacun, enfant, jeune, adulte, soit demain plus conscient.e du monde qui l’entoure, puisse se l’approprier en en comprenant les codes, pour y prendre place, SA place, pour Agir. Car l’éducation telle que nous la pensons participe de la transformation de la société en agissant sur les modes d’organisation, en soutenant les libertés individuelles pour plus d’égalité et de droits.
Au moment où nous nous mobilisons sur les chantiers culturels nationaux (Avignon, Aurillac), quand le quotidien nous ramène sans cesse aux enjeux des migrations, rappelons nous d’où nous venons, qui nous sommes, et affirmons avec force qui nous voulons être !